Samedi 14 juillet 2018
Introduction
Dans la région de Grindelwald, le Eiger Ultra Trail E101, 101 K et 6700 D+ est mon premier ultra trail de cette importance, et le principal objectif de l'année.
Bon, j’avais déjà couru la Maxi-Race (86 K 5700 D+) en mai 2017, mais j’avais souffert de la fatigue tout au long de la course, ayant sous-estimé l’impact d’un réveil à 3h45. J’avais dormi 1h à chacun des trois ravitos… mais bon c'est en faisant des erreurs qu'on progresse !
Donc cette année, Seb et moi avons décidé de monter la barre et nous sommes inscrits pour l’Eiger, au mois d’octobre déjà. Les inscriptions par Internet ouvrant à 10h, le système informatique s'est immédiatement trouvé saturé et il était très difficile de s'inscrire. Plusieurs bugs s'en sont suivis, avec des inscriptions partielles, et surnuméraires. Personnellement, j'ai tenté de m'inscrire juste avant l'ouverture à 9h50 et c'est passé comme une lettre à la poste :)
L'entraînement
Évidemment, il faut un minimum de préparation pour pouvoir aborder sereinement son premier 100K. Il peut se passer tellement de choses sur une telle distance qu'il vaut mieux mettre toutes les chances de son côté, et le premier élément c'est bien sûr le physique. Impossible d'aborder le E101 sans entraînement adéquat.
Pas de programme d'entraînement spécifique car je déteste la routine, mais j’ai assez d'expérience pour savoir que je devais mettre l'accent sur trois choses :
Dès la mi-mars, j'ai donc saisi toutes les occasions pour partir grimper tout seul en montagne, avec mon équipement habituel. Des sorties magnifiques donc je me souviendrai longtemps, durant lesquelles j'ai veillé à trouver mon rythme de croisière, à être rapide en descente sans me griller, à sentir le moment où il faut manger et le moment où il faut boire, à adopter différentes manière de monter, de marcher, de courir et de descendre pour varier les groupes musculaires, à savoir quand faire des pauses, bref, à bien me connaître dans cet environnement.
J'ai notamment fait ces trois très belles sorties longues :
Comme avec la conduite ou avec un instrument de musique que l'on maîtrise, c'est quand tous ces aspects physiques et techniques deviennent automatiques que l'on peut profiter pleinement du bonheur d'être dans la nature et de découvrir de nouveaux paysages. Et c'est bien ça qui fait que je ne m'ennuie jamais, quel que soit le nombre d'heures de course.
Bon, avoir confiance dans ses capacités c'est bien, mais les confronter au réel c'est mieux. J'avais donc bien sûr prévu d'autres trails de moindre importance, notamment le Scenic Trail (54 K 3800 D+) au Tessin le 9 juin dernier. Et effectivement, j'ai terminé 55 ème en 8h02, avec de bonnes sensations, zéro courbatures et aucun problème à signaler, si ce n'est un petit coup de mou à 3 km de l'arrivée où j'ai eu toutes les peines du monde à monter quelques petits D+ après une longue descente très rapide. J'en ai conclu que je devais faire attention à ne pas griller mes jambes en descente sous peine de le payer à la montée suivante.
Après la validation du Scenic Trail, et en plus des sorties habituelles, j'ai encore fait deux entraînements notables. Le premier, c'est une journée coaching avec deux champions de l’ultra trail, François d'Haene et Diego Pazos. J'ai bien sûr eu beaucoup de plaisir à courir et discuter avec ces deux athlètes, même si dans le fond je n'ai pas appris grand chose, ce qui paradoxalement m'a bien aidé, dans le sens où j'ai considéré que j'étais prêt. Et puis, c'était juste magique de voir François courir. Une foulée tellement rapide et légère, impressionnant !
Je suis quand même reparti avec un gros doute. Diego Pazos, qui a lui-même gagné le E101 en 2016, m'a fortement conseillé d'utiliser des bâtons pour les distances supérieures à 50 K. Alors que je n'en ai simplement jamais utilisé. Du coup je suis allé en acheter, j'ai essayé pendant 5 km avant de décider qu'ils ne faisaient que m'encombrer, me gêner pour m'hydrater, prendre des photos, etc. Sans savoir encore si je les utiliserais pour le E101, mais en sachant que Diego, lui, avait gagné sans bâtons ! Bâtons qui sont d'ailleurs interdits sur plusieurs courses, comme Sierre-Zinal (où je suis inscrit cette année) et la Diagonale des Fous (que j'espère bien courir un jour !).
L'autre sortie notable, c'est une sortie de nuit. Une petite montée au Chasseron à la frontale, après une journée de travail, entre minuit et 3h. Courir fatigué pour se mettre au maximum en conditions réelles. Sans aucun souci.
Le but, dans cette sortie de nuit comme dans toute la préparation, c'est vraiment de savoir quoi faire dans toutes les situations. Si il pleut, si il fait nuit, si on a faim, si on a soif, si on se blesse, si on se perd, etc etc.
C'est donc avec 4 mois d'entraînement à 12000 D+ / mois, environ 100 heures, 1000 K et 64 sorties sur l'année que je me suis présenté au départ du E101 ce 14 juillet 2018. Non sans avoir fait deux grosses soirées la même semaine et bu un coup avec Seb la veille au soir. Parce que j'aime bien ça et parce que je suis persuadé que ces soirées de détente où l'on lâche prise sont plus bénéfiques que le mauvais stress, les angoisses et le 15ème contrôle du matériel. Elles permettent de repartir l'esprit clair, lavé de tous ces mille et un détails déjà réglés.
Le parcours
Je n'aime rien de plus que de courir dans des endroits que je ne connais pas, et notamment le jour de la course. Si certains ont besoin de faire des reconnaissance et de connaître le terrain par cœur, pour moi le plaisir de la découverte est hyper important, et compte beaucoup dans ma performance.
Je ne connaissais pas du tout la région de Grindelwald et de l’Eiger, si ce n’est par la fascination que sa face nord exerce sur les grimpeurs.
Bien sûr, j’ai regardé les vidéos promotionnelles de l’Ultra Trail de l’Eiger, ainsi les vidéos "inside the race" réalisées par des coureurs, parfois dans la fin du peloton. Entre les images prises par les drones et celles des coureurs, la différence est parfois saisissante ! Je savais donc à peu près à quoi m’attendre en terme de paysage. De très grands espaces, une nature sauvage et minérale, des montagnes massives, des pâturages, des vaches…
J’ai tout de même essayé de conserver la surprise. C’est comme pour Sierre-Zinal ou le Matterhorn Ultraks à Zermatt. Je m’interdis d’aller courir là bas pour en prendre plein les yeux le jour de la course !
Concernant le parcours, je ne suis pas non plus de ceux qui mémorisent le profil exact et l’emplacement de chaque ravito. En gros, il y a deux fois 50K et 3000 D+. La stratégie principale est donc de s’économiser au maximum sur la première partie, pour pouvoir aborder la seconde dans le meilleur état possible. Cela veut notamment dire de monter à un rythme soutenable, et de ne pas forcer à la descente pour ne pas se détruire les jambes. La barrière horaire est assez large : 26h30. Je serai content si j’arrive avant minuit (20h de course).
Au delà de cette "global picture", Seb et moi avons quand même étudié le parcours la veille au soir pour l’avoir en tête, sur Google Maps et Doarama. Sur Google Maps, il faut en fait enregistrer le parcours au format .gpx dans un son Google Drive, pour ensuite l’importer depuis Google Maps ("My Places"). On peut alors l’explorer en 3D, ce qui est toujours spectaculaire, et donne une bonne idée des reliefs et des paysages (sommets, crêtes, lacs, forêt, pâturages, …). Sur Doarama aussi, de manière moins impressionnante peut-être, mais avec une meilleurs idée de la dynamique (puisque ça bouge) et du profil de la course.
Enfin, comme toujours, j’ai chargé le .gpx dans MapOut, une application pour iPhone qui permet de voir le parcours, le profil, la distance etc sur les cartes OpenStreetMap préchargées. Indispensable pour savoir où l’on en est, et surtout pour éviter de se perdre !
Le matériel
Je cours toujours avec mon fidèle sac Oxsitis Hydragon à la couleur douteuse. Juste ce qu’il faut de poches bien étudiées, deux gourdes, pas de poche à eau qui fait floc-floc, j’ai toujours été super satisfait, il ne m’a jamais fait défaut. J’ai juste remplacé les deux gourdes par des modèles de 75 cl plus étroits, de manière à pouvoir coincer un téléphone en plus dans les poches principales.
En effet, je cours souvent avec une gourde à la main, et parfois un iPhone dans l’autre main. Cette fois, le trail étant très long, j’avais choisi d’emporter deux iPhones ! Un pour la carte et les communications (du 3G presque partout, vivre la Suisse allemande !), et un autre pour les photos. J’ai également pris une réserve d’énergie pour recharger ma montre Suunto Ambit 3 Peak, qui ne tient pas plus de 10 heures, même sans être connectée à une ceinture cardiaque. Tout ça a donc pris place dans mes mains et dans les deux poches à gourdes. C’est là que le fait de courir sans bâtons me permet de bien m’hydrater de faire des photos simplement !
Le reste du matériel obligatoire est sans trop de surprises si ce n’est les deux frontales obligatoires. Veste de montagne, pantalon, gants, bandeau, gobelet, couverture de survie, etc. Tout ça rentre sans problème dans l’Hydragon 10 litres. Et petite spécialité, chaque coureur doit aussi porter une balise GPS avec un bouton d’urgence.
À noter, la possibilité de préparer un "drop bag" que l’on retrouve à mi-parcours. C’est en réalité un immense sac poubelle de 110 litres. J’y ai mis une tenue de rechange complète, chaussures comprises, au cas où l’on arriverait là bas trempés des pieds à la tête. J’y ai aussi mis des bâtons, par acquis de conscience, au cas où mes jambes seraient déjà trop abîmées. Heureusement, je n’ai pas eu besoin de tout ça. Je ne suis même pas allé chercher mon sac.
Enfin, le plus important peut-être, les chaussures. Je suis un inconditionnel des Hoka One One. Modèle Challenger ATR 4 pour les entraînements, et modèle Mafate Speed 2 pour les sorties longues, ou dans les pierriers ou dans la neige. Là encore, je reste fidèle à ce qui ne m’a jamais déçu ni fait défaut. Toujours en taille 46 2/3, ce qui est bien plus grand que mon pied, mais je vous assure qu’après 50 km, avec les pieds gonflés et mouillés, en descente avec la pointe qui tape, c’est ainsi que je suis le plus à l’aise.
L'alimentation
Sur l’alimentation - comme sur tout le reste d’ailleurs - on entend 1000 théories. Ma religion à moi, c’est de bien manger équilibré dans 3-4 jours qui précèdent la course, en augmentant les quantités, jusqu’à la veille de la course où je mange juste deux fois plus que d’habitude, surtout des pâtes. C’est ce que certains appellent le "carbo-loading". Par contre, je n’ai pas de restriction particulières en ce qui concerne l’alcool.
Le jour même, je prends un petit déjeuner presque normal : un bircher muesli, deux tartines, un jus de fruit et deux cafés. Merci au passage à l’hôtel Eigerblick d’avoir laissé le buffet ouvert toute la nuit pour les coureurs, ce fut très apprécié !
Les 3-4 jours qui suivent la course, pareil, bien manger pour bien récupérer, sans restrictions, et ne pas lésiner sur les quantités !
Les ravitaillements
Sur la course, les ravitos étaient assez nombreux, tous les 15 km peut-être. Des barres énergétiques, des boissons isotoniques, des oranges, des pastèques, des abricots secs, du chocolat au lait, du pain, du fromage, … tout ce qu’il fallait, sans qu’il n’y ait rien d’exceptionnel non plus. Je me suis principalement alimenté d’une demie barre énergétique à chaque fois, avec quelques autres bricoles pour varier les goûts. J’ai veillé à manger du salé (fromage) et à alterner eau et boisson isotonique. Un peu de bouillon à l’occasion, et puis le repas à mi-parcours, des spaghettis bolos avec du parmesan. Mais j’anticipe…
La course
Nous avons pris le départ à 4h, une modification par rapport aux autres années où c’était 4h30. J’avais veillé à bien dormir 10h la nuit précédente, et environ 6h cette nuit là, de manière à pouvoir conserver de bonnes sensations et surtout l’esprit lucide, pour pourvoir gérer la course correctement et prendre les bonnes décisions.
Nous sommes donc partis juste après un petit passage au camion Datasport pour récupérer des épingles à dossard. En effet, j’avais omis d’en prendre la veille, pensant qu’il y en aurait avec le dossard, mais non. J’ai réussi à fixer le dossard avec deux trombones récupérés à la réception :) mais bon… merci quand même à Datasport !
Il ne faisait pas froid, j’étais en short et petit pull, que j’ai rapidement dû enlever. Le problème, quand on s’arrête après 1 km, c’est que toute la masse des coureurs passe devant. Surtout que j’ai profité pour faire quelques ajustements, re-fixer mon dossard, etc. Juste avant le bouchon qui survient quand la route se transforme en sentier "single track". Une petite erreur, donc, mais bon, ça fait partie du sport. Je me suis donc retrouvé au cœur du peloton pour la première montée.
À partir du premier ravito, fini le single track. C’est une large route de montagne en faux-plat. Je sens bien le danger d’aller trop vite, mais tant que j’avance sans m’essouffler, tout va bien. Les gens sont quand même assez lents et je commence une longue remontée. Les paysages s’enchaînent. Les montées et descentes, les ravitos et les caprices météorologiques aussi. Je passe sur la fameuse passerelle de First. Je prends soin de ne pas me griller dans la descente sur Bort et me réjouis de remonter pour atteindre le Faulhorn, le point le plus haut de la course à 2691 m. Grâce à une bonne préparation, je suis très à l’aise. Je continue de gagner des places, en dépassant régulièrement et en ne m’arrêtant pas ou pratiquement pas aux ravitos. Je surveille en temps réel ma position à chaque pointage grâce au live de Datasport.
L’arrivée au Faulhorn ne me déçoit pas. À partir de là et jusqu’à Schinyge Platte, c’est peut-être la plus belle partie de la course. C’est un plaisir de galoper dans ces passages caillouteux très techniques où je suis très à l’aise, mais c’est surtout un plaisir de découvrir des vues plongeantes sur les lacs de Thoune et de Brienz en volant sur les crêtes ! La descente sur Burglaunen se fait sans encombre.
Je suis en pleine forme et continue de gagner des places. Il est 12:30, j’ai passé la moitié de la course, je mange une assiette de spaghettis bolos. Je renonce à ouvrir mon drop bag pour gagner du temps et parce que ça n’est pas nécessaire. J’ai conscience d’être très bien parti car je suis en bonne position et relativement frais ! Toutefois, je reste très humble… Je sais que la deuxième partie sera bien plus difficile à cause de la fatigue accumulée. Un moment d’euphorie et je peux me griller. Un moment d’inattention et je peux me perdre ou me blesser. Le plus dur est à venir !
Je repars sans tarder pour une longue montée dans la forêt jusqu’à Wengen. Et je sais qu’à Wengen une autre longue montée encore plus raide m’attend, un vrai mur jusqu’à Männlichen. Je me dis qu’une fois en haut, soit autour du 66ème kilomètre, l’essentiel de la course sera derrière moi et qu’il suffira de rentrer, principalement en descente. Sauf que le départ après le repas est difficile. Le moment le plus pénible pour moi, sans doute. Avec 55 K dans les pattes, j’ai enfin la sensation d’aborder une difficulté ! J’étais à mille lieux de soupçonner ce qui m’attendait…
L'interruption
En fait, le plus difficile a commencé après Männlichen. Le ciel s’est progressivement voilé, puis couvert. Selon la manière de poser le pied, une douleur au genou gauche commence à apparaître en descente. C’est mauvais signe. Il s’est mis à pleuvoir sérieusement et de très violents orages ont éclatés au pire moment, alors que je montais à Eiger Gletscher à 2300 m. Je marchais sur une crête, sous un vent violent et glacé, puis un orage de grêle, des éclairs aveuglants et des coups de tonnerre assourdissants. J’ai cherché à rallier Eiger Gletscher au plus vite et me suis abstenu de sortir mon iPhone de peur de me faire foudroyer. J’arrive enfin autour de 18:10, mon dossard est contrôlé et mon temps enregistré.
Sauf que ce temps n’a pas été comptabilisé ! En effet, en pénétrant dans le bâtiment, je m’aperçoit que nous sommes bloqués. Environ 40 coureurs attendent là, gelés, sans pouvoir repartir. La course est interrompue à cause du mauvais temps. J’attends là environ 1h, trempé des pieds à la tête, grelottant dans une couverture militaire. La dépense d’énergie pour arriver là est déjà considérable, mais la pluie et le froid ont sérieusement compliqué la donne. Je claque des dents.
J’apprends que Seb est aussi bloqué. Il a dû interrompre son ascension vers Männlichen et redescendre à Wengen. J’imagine que les organisateurs ont voulu éviter des drames et simplement ordonné que chacun se mette à l’abri. Mais que va t’il se passer ? Va t’on repartir ? rentrer ? finir la course ? Et le classement ?
Vers 19h, on nous annonce que nous allons descendre en train jusqu’au point de contrôle précédent. De là, nous dit on, nous pourrons soit abandonner (DNF) soit continuer la course. Dans l’incertitude, je m’efforce de garder le cap. Si possible, je vais achever ce que j’ai entrepris. Je m’étais préparé à à peu près toutes les éventualités, mais pas une suspension et de la confusion dans l’organisation de la course. Je me dis que même si le chemin pour remplir la mission que je me suis donnée a changé, ma mission reste la même, être "finisher" et ceci dans les meilleurs délais. Je sais que le temps qui passe et le froid jouent contre moi, que la nuit approche, et qu’il est plus facile de terminer une même course en 18 heures qu’en 26 heures.
Et nous voilà donc à la station précédente, un ravitaillement dans un atelier mécanique, à attendre encore 1h, trempés. Les rumeurs vont bon train et ce n’est qu’à 19h40 que l’on apprend que ceux qui le souhaitent vont pouvoir repartir. Un itinéraire de repli, 8 km directs jusqu’à Grindelwald, sous une pluie fine et un ciel sombre. Je vois le bout du tunnel et, après ces deux heures d’arrêt, je monopolise ce qu’il me reste d’énergie et de courage pour repartir. Pour ce que je pense être une petite descente rapide.
Après 5 km, enfin ! Grindelwald est en vue !! Mais voilà, un bénévole nous annonce encore 10 km et nous oriente sur le tracé officiel, qui remonte et fait encore un gros détour par la forêt. Confusion parmi les coureurs. Certains coupent. D’autres rebroussent chemin. Là encore, je m’accroche à ma mission. Je ne veux pas abandonner si près du but et me plie aux exigences du parcours. La balise GPS que je porte dans mon sac attestera si nécessaire que j’ai bien couru tout ce que je pouvais courir.
Et puis on ressort de la forêt. On traverse un camping, jusqu’au panneau 100 km. Une dernière montée que je n’ai pas réussi à courir, et c’est à 21h30 que je passe enfin la ligne d’arrivée, juste avant la tombée de la nuit. Seb, qui a posé son DNF à Wengen, est venu m’attendre avec une bière. What else ?! Je le prends dans mes bras. Je vais chercher mon t-shirt de finisher et mon caillou-médaille, avant d’aller m’empifrer - le mot est faible ! - avec lui dans un bon resto, écœuré que je suis des barres énergétiques et des boissons isotoniques.
La vidéo Relive: https://www.relive.cc/view/1703477540
Conclusion
En conclusion, j’ai adoré ! J’ai pu profiter à fond des paysages, j’ai apprécié la variété des terrains. L’absence de bâtons m’a permis de m’hydrater correctement tout au long de la course et de faire plein de photos en mode reportage (la galerie ici).
J’étais très bien préparé. Aussi bien physiquement (48000 D+ en 4 mois) et techniquement (l’habitude de me débrouiller seul en montagne) que mentalement. C’est ça qui m’a permis de traverser la première partie sans aucun accroc et sans trop de fatigue. Le fait d’être bien reposé m’a permis de rester lucide, de ne me pas me laisser déstabiliser lors de l’interruption de la course et de prendre les bonnes décisions malgré la fatigue et la confusion.
Il n’y a pas eu de vrais moments de doute. Jamais je n’ai hésité à abandonner. Mais dans les moments plus difficiles, j’ai pensé à tous ceux qui m’ont soutenu. À mes amis, à mes enfants, à mes copains traileurs. En m’écrivant, en m’appelant. À François et Diego. À tous ceux qui m’ont soutenu, encouragé et qui me font confiance. Au fait que la course n’est pas plus facile pour les autres. À ceux qui comptent. Ils se reconnaitront.
Alors bien sûr, c’est un peu le bazar dans la trace Strava. J’ai mis pause pendant la petite descente en train, mais je ne sais pas ce qui est pris en compte ou pas. L’organisation a annulé mes deux heures de montée sous les orages, puisque la course était déjà suspendue à ce moment là. Datasport a publié deux classements, un pour les coureurs arrivés avant l’interruption, et un autre pour le "Neustart". Sauf que le nouveau départ n’a pas été pris par tous au même endroit. Sur le site de l’ITRA, je ne vois que 50 coureurs classés. Bref, c’est le bazar, mais c’est la vie, c’est injuste et imparfait. Il faut faire ce que l’on a décidé de faire et le faire au mieux, en son âme et conscience.
Le Flyby Strava
Au final, pratiquement pas de bobos : une petite crevasse sous le pied et une cloque au petit orteil gauche, des courbatures disparues après 3 jours. Mais une énorme douleur. J’apprends en arrivant le décès de Louis M. un ami de longue date, un copain de soirée et un trailer à ses heures, avec qui nous avions notamment fait le Trail de la Vallée de Joux, le Trophée des Martinaux et le double KV de Chandolin en 2016. Un terrible accident. Vraisemblablement renversé sur son vélo jeudi soir. Il avait 39 ans. Mes amis et mes proches ont choisi de ne rien me dire avant la course pour me préserver.
Louis, je te dédie ce récit. Merci d’avoir vécu, partagé et compté pour nous. On ne t’oubliera pas.